Avec ses basses 808 à contre-temps, ses mélodies appuyées et ses percussions tortueuses, les productions caractéristiques des nouvelles scènes du Michigan ont fait de Detroit et Flint les capitales d’une rythmique mondialement répandue.
Installé depuis le début des années 2020 comme un sous-genre de la Trap à part entière, le style n’a pas tardé à se retrouver entre les mains d’artistes francophones bien décidés à faire des productions « Detroit » un terrain de jeu adapté à leurs placements de haut vol. Avec 8ruki, Aamo, Gen, Mairo ou encore S-tee : focus sur une dynamique inédite du rap francophone portée par toute une génération d’artistes au talent certain.
Comme bien souvent, l’histoire prend place aux Etats-unis. C’est au Nord-Est du pays, dans la région des grands lacs que se dressent les villes de Detroit et Flint. Surnommée « Motor City » à partir des années 1930 pour son industrie automobile florissante, Detroit est au début du 19ème siècle une ville attractive et en pleine expansion. Mais cette dynamique ne va pas durer : au début des années 60, sa population baisse, des tensions sociales fragilisent son bon-vivre, et Detroit prendra de plein fouet les crises économiques des années 70, métamorphosant la ville rayonnante en une métropole fantôme aux bâtiments abandonnés et à la criminalité la plus forte du pays. Le décor est planté.
Dans ce contexte fragile, les scènes rap de Detroit et Flint s’efforçent à rayonner au milieu des géantes New-York, Los Angeles et Chicago : même si de grandes figures comme Eminem, Big Sean, Xzibit, Proof ou encore J-Dilla ont participé à la diffusion de la musique du Michigan, les villes peinent à marquer le rap américain des années 90 et 2000, souvent partagé entre les côtes Est et Ouest du pays. Mais ça, c’était jusqu’à la fin des années 2010. Au tout début de l’année 2019, Flint et Detroit voient sortir de leurs entrailles toute une vague de rappeurs et producteurs bien décidés à faire de leurs villes des hauts-lieux des nouvelles sonorités américaines. Alors en travaillant main dans la main, les artistes vont faire naître une sonorité à la texture et aux rythmiques si particulières : les « Detroit beats ».
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La recette est simple : en jouant en fin de mesure des basses 808 rondes qui se faufilent entre temps et contre-temps, les producteurs de la scène exploitent au maximum leurs sonorités bouncy, et donnent aux Detroits Beats cette rythmique rebondie si caractéristique. Avec le titre « First Day Out » de Tee Grizzley sorti en 2017, le beatmaker Helluva s’est rapidement installé comme un pionnier du genre et en a grandement influencé ses codes. Depuis, une floppée de beatmakers se sont approprié la rythmique et la chargent de nombreux éléments additionnels qui accentuent son bounce, comme des cloches, bruits de lasers et open-hats secs qui accompagnent très souvent les basses explosives. Et ce terrain sinueux, nombreux sont les artistes à en avoir fait leur terrain de prédilection : citons par exemple le rappeur et producteur de Flint Rio Da Yung Og, véritable figure de proue du mouvement qui a grandement participé à son exportation hors des frontières du Michigan grâce à ses placements légèrement décalés et ses textes qui content le quotidien d’une des villes les plus dangereuses du pays.
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Avec une dynamique fédératrice et des sonorités tout à fait originales, les scènes rap de Detroit et Flint se sont finalement trouvé une identité musicale qui leur est propre, et en évoluant en marge des tendances toujours dictées par les villes majeures du pays, se démarquent par leur musique assumée. Grâce à leur succès grandissant, les artistes affiliés aux Detroit Beats ont fait de leur musique un produit facilement exportable, qui depuis 2020 traverse l’atlantique pour se répandre à plus de à plus de 6 500 km de là, en Europe de l’ouest.
Avec un phrasé percutant, une assurance certaine et des flows toujours innovants, le rappeur de la nouvelle scène française 8Ruki s’est longtemps démarqué par ses prises de risque et ses morceaux aux sonorités originales. En ayant fait ses armes au travers de morceaux aux accents plugg et DMV, 8ruki a encore une fois élargi son registre sur son dernier album Powered By Ruki en explorant cette fois-ci les sonorités tout droit importées de Detroit. Sur Zookies, Paris to London ou encore 1v1, clin d’oeil au morceau du même nom de Rio Da Yung Og, le rappeur de banlieue parisienne s’est approprié les sonorités du Michigan avec une aisance remarquable, et comme dans un duel avec les basses belliqueuses du morceau, le rappeur répond à coup de bars imagées dans un track tout à fait marquant.
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Si ThaHomey apparaît aussi comme un porte-étendard de la Detroit en France, notamment depuis sa série de morceaux « Detroit Flow » postés sur soundcloud en 2020, de nombreux autres rappeurs émergents se sont essayés aux sonorités bouncy du Michigan. C’est notamment le cas de Aamo, rappeur originaire de Genève, qui depuis son morceau NGC, Bande à part en featuring avec $CO à prouvé son aisance certaine sur les productions du sous-genre. Mais avec ses mélodies samplées et ses percussions signées Bobble, le rappeur a passé une nouvelle étape en présentant en juin dernier le titre « SML », véritable démonstration du force du rookie sur une rythmique qu’il semble avoir adoptée pour de bon.
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Porté par la prod au sample dansant du beatmaker Rosalie du 38, le rappeur S-tee à aussi signé un rappeur remarqué en février 2022 avec le très bon « Fils de dieu freestyle », morceau qui adopte encore une fois les rythmiques emblématiques du Michigan avec brio. D’autres aussi ont suivi cette mouvance : citons par exemple le rappeur Gen et son morceau Dog Day, M.A.I.R de Mairo ou encore Maybach Phantom, le morceau remarqué de Kpri et Freeze Corleone, l’un des morceaux Detroit francophone qui reçut le plus d’attention depuis l’apparition du sous-genre.
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Pourtant, si les rythmiques Detroit commencent à peu à peu se répandre dans les scènes francophones, elles semblent encore très ou trop peu présentes dans le flot de sorties hebdomadaires. Alors pour cette fin d’année 2022, espérons que le vent du Michigan souffle un peu plus à travers l’Atlantique, et qu’il nous amène de nombreuses autres pépites du genre dans notre bon vieux rap français.
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Références