Retour sur une rythmique devenue mondiale et son évolution dans la scène francophone.
Hi-hats frénétiques, glides de basses 808 et couplets chargés de menaces en tout genre : en 2020, impossible d’être passé à côté du raz-de-marrée Drill. Avec son esthétique sombre, dramatique et violente, le sous-genre né entre les quartiers sud de Chicago et de Londres au début des années 2010 s’est rapidement propagé dans le reste du monde, faisant de la Drill le sous-genre du rap à l’exposition la plus importante du début des années 2020. Pourtant, après cette vague de morceaux, clips et freestyles à l’esthétique souvent similaire voire répétitive, une partie du public du rap francophone semble s’être vite lassée du traitement du genre en France. Entre utilisation de samples, nouvelles rythmiques et sonorités élargies, focus sur la renaissance d’un genre qui semblait à bout de souffle.
Avec ses attributs froids, ses refrains aux paroles glaçantes et ses mélodies hivernales, la UK Drill de Brixton, banlieue du sud de Londres, n’avait clairement rien pour devenir un genre qui s’écoute sous le soleil du printemps. Pourtant, à partir d’octobre 2019 apparaissent en France de plus en plus régulièrement des morceaux à l’esthétique semblable à celle de nos voisins anglais : avec des percussions aux sonorités issues de la trap, les producteurs français comme Flem, Amine Farsi ou encore Jwel se sont mis à jouer dans les contre-temps pour créer des rythmiques Drill aux hats indomptables et aux 808 appuyées, en rupture avec les drums plus linéaires de la Trap. Sous l’influence certaine de la musique britannique, ces instrumentales aux mélodies graves et sombres deviennent pour de nombreux artistes et collectifs francophones un terrain de jeu idéal pour poser leurs flows incisifs, qui appuient grandement les fins de phrases en les ponctuant d’un champ lexical gravitant souvent autour de la violence, de l’ambition et de la menace.
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Grâce à des morceaux comme Drill Fr #1 de Gazo ou encore No Hook du collectif CoboyZone, la fin de l’année 2019 est le théâtre de la montée progressive du sous-genre en France, et prépare le terrain à l’un des mouvements dont l’ampleur figure parmi les plus importantes de l’histoire du rap francophone. Sous l’influence de Pop Smoke, la Drill originelle de Chicago, celle reprise au début des années 2010 par les londoniens, se mue de l’autre côté de l’Atlantique en un genre plus extraverti, s’éloignant quelque peu de l’esthétique violente menée par Chief Keef pour se tourner vers ce qui a longtemps construit l’imaginaire du rap américain : clubs, néons, liasses de billets, voitures de sport et égotrip appuyé, comme le marque bien le clip du hit mondial Dior, du regretté rappeur. Fort de cette appropriation américaine, la Drill explose finalement en fin d’année 2019, et au travers de morceaux détonants, s’installe pour de bon au printemps 2020 dans la scène française jusqu’à complètement bouleverser ses tendances.
En dévoilant le morceau Drill Fr #4 avec Freeze Corleone, Gazo s’est automatiquement placé, au printemps 2020, comme le digne représentant du mouvement en France. Avec aujourd’hui quasiment 30 millions de vues au compteur, le morceau, encore largement écouté aujourd’hui, a grandement contribué à établir les codes de la Drill en France avec ses mélodies graves, ses lourdes percussions, ses refrains percutants et ses punchlines directes. En parallèle, un certain Ziak, mystérieux rappeur au visage masqué apparu fin janvier 2020 avec son titre Raspoutine s’empare lui aussi des sonorités de la UK Drill en France. En utilisant l’imaginaire des couteaux, du visage masqué, des doudounes noires matelassées et des armes à feu, il popularise aussi les codes très établis du genre au public francophone. Le résultat est immédiat : en impressionnant par son imagerie brutale, ses couplets assassins et ses clips violents, Ziak devient lui aussi une figure du genre en France, et cumule jusqu’à 47 millions de vues pour Fixette, son morceau le plus populaire.
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En ponctuant l’année 2020 de nombreux hits Drill aux codes fidèles à l’univers du genre, de nombreux artistes et grands noms se sont emparés de celui-ci pour explorer d’autres sonorités au travers de leur musique. Jusqu’à l’année dernière, le public de rap francophone semblait ainsi se régaler de ce vent de fraîcheur sur le rap français qui proposait, grâce à la Drill, des sonorités nouvelles, en rupture avec la Trap classique, qui en plus de s’imposer comme une musique efficace et pleine de style proposait aussi un jeu de rythme dans les contres-temps, ce qui, y compris les rares morceaux 2-step de la scène, n’avait jamais vraiment été exploré.
Pourtant, depuis 2021, le public et de nombreux acteurs de l’industrie se sont exprimés, que ce soit en commentaire de clips, sur les réseaux sociaux ou directement dans des interviews, en signalant que les centaines de clips, morceaux et freestyles à l’esthétique souvent similaire faisaient de la Drill un genre lassant, notamment à cause de son traitement sur la scène francophone souvent jugé répétitif. C’est notamment ce qu’il s’est produit à l’annonce de la sortie de 140 BPM 2, le second projet Drill du rappeur Hamza, qui essuya un bon nombre de critiques. Il aborda d’ailleurs récemment ce sujet dans une interview pour le média Views.
A cause de son explosion fulgurante dans le rap français, le genre qui au départ semblait s’inscrire comme une musique nouvelle et rafraîchissante semble vite s’être transformée en un style désuet, aux codes de moins en moins impressionnants et à la forme vue et revue. La Drill avait alors bien besoin de refaire peau neuve.
Avec la nouvelle vague de rappeurs qui s’inscrivent dans le courant DMV, cette manière de rapper phrase par phrase en décalant légèrement ses placements, la Drill semble avoir connu, grâce à une flopée de talentueux producteurs, un renouveau certain dans la scène francophone. C’est notamment grâce au travail de Milksh4ke, beatmaker qui a fait du sample son fer de lance, que la Drill s’est éloignée de ses sonorités sombres et brutales pour se tourner vers ses mélodies plus solaires. En gardant ses percussions cadencées qui donnent à la Drill son inimitable rythme, le producteur s’empare de morceaux de Soul comme Cruisin’ to the Park de Durand Jones & The Indications pour donner naissance à des productions Drill très entraînantes, à la mélodie chaude et solaire. Un terrain de jeu idéal pour 8ruki, talent de la scène francophone, qui pose sa voix sur cette folle production pour son morceau BMF, issu de son premier album sorti en mai dernier “Powered By Ruki”.
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En s’associant aussi avec thaHomey, talent brut de la nouvelle génération d’artistes de la scène, le producteur propose là aussi une Drill samplée aux percussions brutales, qui repousse là aussi les limites de l’exploitation du genre dans la scène francophone. En se basant sur d’autres tempos, certains producteurs comme D1gri et Jead ont, eux aussi, participé à proposer de nouvelles formes de Drill en français en ralentissant son BPM, ponctuant le morceaux de notes de guitares pincées et en allégeant ses percussions, comme ils l’ont notamment proposé dans L’appel, le morceau de La Fève issu de sa mixtape sortie fin 2021 “ERRR”. Avec son hit Etincelle, Tiakola s’est lui aussi basé sur une production drill bien plus mélodieuse pour proposer un refrain chanté, qui donnait à la rentrée 2021 une nouvelle forme bien plus mélodieuse au genre.
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En se penchant aussi sur la Jersey Drill, nouvelle fusion de genres à mi-chemin entre Drill et musique de club, il ne fait aucun doutes que la Drill et sa rythmique si unique ait fortement marqué le rap français du début des années 2020. Si aujourd’hui le genre ne semble plus aussi présent qu’il a pu l’être à son apogée et semble s’être libéré de ses codes violents qui ont construit son identité au Royaume-Uni, la Drill continue encore et toujours d’exister et de se propager dans le rap français, et ce, à travers de nouvelles formes toujours plus variées.
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