A quoi ressemblera l’année 2023 du rap français ? Quelles nouvelles données sont-elles à prendre en compte pour les rappeurs ?
Après une belle année 2022 placée sous le signe du retour au boom-bap, de l’émergence la Jersey drill et du renouvellement des têtes d’affiche, le rap français s’apprête à entamer l’année 2023 avec autant de certitudes sur ses acquis que de questionnements sur son avenir. Côté valeurs sûres, on sait d’ores et déjà que Jul et Ninho vont enfiler les certifications comme des perles ; que Zeg P va encore nous pondre un tube de l’année ; ou encore que la rubrique clashs, beefs et absence de dignité de votre site de rap préféré sera surchargée.
Du côté des questionnements, on se demande évidemment si PNL, Nekfeu, Suikon Blaz AD finiront par sortir un projet ; si les rappeurs ayant goûté au succès pour la première fois en 2022 vont parvenir à poursuivre en 2023 ; mais aussi, quels types de sonorités vont se démocratiser et prendre le chemin qu’a pris la drill en 2019-2020. On n’a pas de boule de cristal, mais compte tenu de ce qu’il s’est déroulé ces derniers mois, quelques tendances se dessinent déjà.
Ces dernières années, deux types de stratégies ont coexisté : d’un côté, l’hyperproductivité d’artistes déjà établis ou en développement ; de l’autre, des sorties très espacées pour créer un maximum d’attente. Pour résumer, on a d’un côté Jul et sa trentaine de projets en 8 ans, et de l’autre PNL, dont le dernier album en date va fêter ses 4 ans en avril.
Le carton du dernier album de Jul ou la montée en puissance de So la Lune prouvent que la stratégie de l’occupation constante du terrain est toujours payante. Cependant, de plus en plus d’artistes font le choix de se dégager volontairement du terrain médiatique pendant des périodes relativement longues pour mieux réapparaître ensuite. C’est le cas de Sch, qui a annoncé vouloir faire une pause, ou de Ninho, qui ne sortira son prochain album qu’en octobre 2023. Récemment, on a aussi vu Niro ou Sadek revenir avec des titres inédits, alors que les auditeurs s’inquiétaient de leur silence.
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Le calendrier des sorties étant généralement embouteillé, on s’attend donc à voir de plus en plus de têtes d’affiche miser sur des sorties espacées. Cette approche est en effet plutôt réservée à des rappeurs déjà installés, les artistes cherchant à se faire connaître étant bien souvent dans l’obligation de se montrer aussi productifs que possible.
On l’a vu au cours des années précédentes avec les gros scores d’artistes comme Laylow, Freeze Corleone ou Alpha Wann : des rappeurs que l’on aurait autrefois considéré comme appartenant à une niche musicale sont aujourd’hui des noms incontournables, qui font déplacer des foules énormes et qui pèsent lourd sur les plateformes de streaming. En 2021, toute une scène dite underground a émergé : Khali, So la Lune, La Fève, et d’autres, ont accroché bon nombre d’auditeurs à leur wagon, et attiré l’attention de la majorité des médias rap.
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La fracture qui existait entre underground et mainstream s’est progressivement effacée, en particulier car le modèle qui consistait à essayer de toucher un maximum d’auditeurs n’est plus aussi incontournable que par le passé. En 2023, il peut être plus pertinent pour un rappeur de miser sur une fan-base restreinte mais impliquée. Limsa d’Aulnay ou Tedax Max réaliseront difficilement les tubes de Naps ou Heuss l’Enfoiré, mais ils peuvent compter sur des auditeurs fidèles, qui les suivent dans toutes leurs apparitions.
D’après Netflix, Nouvelle École a réalisé d’excellentes audiences cet été, mais au-delà de cette donnée, quel impact a eu l’émission sur le rap français ?
D’abord, l’exposition offerte par la plateforme de streaming a permis à certains artistes de changer de statut. C’est particulièrement le cas pour Fresh La Peufra et BB Jacques, qui ont vu leurs chiffres d’écoutes exploser à partir du mois de juin. Parmi les bénéficiaires de la puissance de Netflix, on peut également citer Elyon ou Houssbad, désormais mieux identifiés par le public. Nouvelle École a donc permis un petit renouvellement du paysage rap français.
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Ensuite, le show de Netflix a essayé de concilier des disciplines très traditionnelles du monde du hip-hop, comme le battle, avec une dimension mainstream inévitable. Nouvelle École est l’un des symboles de la victoire du rap, trois décennies après ses débuts en France, mais aussi du revers de la médaille : les valeurs nées avec ce mouvement sont désormais un argument marketing comme un autre.
Enfin, le succès de Nouvelle École et sa validation par la majorité du rap français nous dit une chose : le rap est devenu un genre comme un autre, et il peut être exploité de la même manière que l’ont été la variété, la pop ou la chanson française au cours des dernières décennies. On s’est longtemps moqué de la Star Academy, de Popstars ou des Enfoirés, mais on a aujourd’hui les nôtres.
On a aussi nos propres Victoires de la Musique : les Flammes seront lancées en 2023, ce sera l’un des évènements médiatiques de l’année, et cette première édition pose forcément beaucoup de questions. Comment le monde du rap va-t-il réagir ? Avait-on réellement besoin de ce type d’événement ? On s’est beaucoup plaint des Victoires de la Musique, faut-il vraiment reprendre le principe d’une cérémonie avec un vote, des vainqueurs, et un bel esprit fictif de communion ? Quel impact auront les Flammes sur les carrières des vainqueurs et des nominés ?
Il faudra attendre le mois de mai 2023 pour avoir des réponses plus précises, mais on sait déjà que le combat va faire rage entre ceux qui loueront publiquement “la naissance de nos propres Victoires, une cérémonie nécessaire pour le monde du rap, merci Booska-P, Yard et Smile”, et ceux qui cracheront dessus en dénonçant l’imposture Booska-P, l’arnaque des votes, ou l’hypocrisie de l’ambiance générale.
Ça fait déjà plusieurs années que les rappeurs ont compris que miser sur l’aspect potentiellement viral d’un morceau pouvait booster leur carrière et changer leur destinée. En 2023, on devrait donc encore avoir le droit à des refrains téléphonés ou des passages conçus dans le but de faire réagir sur les réseaux, et en particulier sur TikTok. Il faut cependant prendre en compte une autre donnée : de plus en plus de vieux morceaux sont remis au goût du jour sur la plateforme chinoise, on pense par exemple à 10, 12, 14 Bureau de Kalash Criminel (2016) ou Du Ferme de La Fouine (2009).
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Pour certains artistes, c’est l’occasion de remettre un pied dans la lumière, et de toucher une cible plus jeune. Bien exploité, ce type de mise en avant peut relancer une carrière au point mort ? Il suffit parfois d’un rien, et les dynamiques qui mènent un extrait de morceau à devenir une grosse tendance sont extrêmement imprévisibles. Il est donc plus difficile, aujourd’hui, de considérer que la carrière d’un rappeur est derrière lui : un extrait de 8 secondes d’un titre d’il y a dix ans peut suffire à relancer la machine.
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Références